Résidence Le Manoir
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Chiffrage

Chiffrage et évaluation, partout dans tous les domaines il faut chiffrer et évaluer, surtout et de plus en plus dans le domaine de la santé, de la santé mentale. On sait les démêlés actuels entre les tenants des thérapies cognitives et comportementales et la psychanalyse. L’intelligence ne fait pas exception à cette règle, bien que l’échelle métrique ait plus d’un siècle d’existence, elle s’y inscrit tout naturellement. La note, le QI chiffré a donc pour lui le poids de la science, du critère scientifique de l’évaluation. Tout doit être chiffré et évalué, étalonné, c’est la preuve par le numérique. La construction de l’échelle métrique se présente comme une opération scientifique de chiffrage dans l’étude de l’esprit et de l’intelligence. L’intelligence peut-elle se mesurer, c’est toute la question. Que mesure ce test ? Selon Mises et Perron (Confrontation psychiatrique n° 23, 1983). « Ces épreuves ne portent sur rien d’autre que la capacité à augmenter le volume des connaissances, en créant de nouvelles conduites adaptatives, de nouveaux moyens d’acquisition ; et elles testent cela, pour une large part, en évaluant le volume de ce qui a été acquis. Rien de surprenant dès lors qu’il existe une excellente corrélation entre le niveau de réussite scolaire et les résultats à une épreuve d’intelligence : cette dernière a été explicitement construite dans ce but ». Autrement dit le QI mesure le niveau d’apprentissage scolaire. Pour un enfant en difficulté scolaire, deux tests de QI passés à quelques années d’écart et la note change, le QI baisse parce que les acquisitions scolaires n’ont pu se faire, comme c’est le cas pour cet adolescent passé de 102 à 72, il a 12ans, et se trouve dans la catégorie  de ce que l’on appelait à l’époque, des « débiles » légers, ce terme n’a plus court de nos jours. Mais « débile » il ne l’est pas, il n’est pas perdu dans la vie quotidienne ou sociale, et il est excellent musicien. Tout cela ne nous dit pas pourquoi il échoue à l’école

Trouble ou symptôme

Alfred Binet part de l’hypothèse qu’il existe un continuum de l’intelligence, allant des états de déficiences mentales les plus profonds jusqu’à l’intelligence normale, ce continuum est aussi l’hypothèse de la psychologie génétique, il y a convergence entre la psychométrie et la psychogénétique, dans une interprétation dynamique de la personnalité et de la déficience. Si les stades d’évolution sont les mêmes, ils se succèdent plus lentement et ne mènent pas au stade de pensée opératoire. L’enfant déficient  est défini « comme personnalité globalement déficiente » avec retard intellectuel affectif, psychomoteur. L’instabilité de l’enfant est également interprétée comme trouble génétique du développement psychomoteur. Aujourd’hui on parle de trouble de la conduite, ce qui n’est que descriptif. Pour le psychanalyste il s’agit de dépasser la description du trouble comportemental, et de l’envisager comme un symptôme, pas au sens médical, c’est à dire comme le signe d’un dysfonctionnement rapporté à un harmonie supposée de la santé physique ou mentale. Le symptôme est le signe qu’un sujet est affecté par son trouble, qu’il s’en plaint et qu’il suppose qu’il y a une cause à cela. Ce symptôme est pris dans la trame du discours propre au sujet et à celui-là seulement. Symptôme à intégrer dans un processus névrotique ou psychotique. On est loin du trouble de la conduite, de l’hyperactivité qui ne dit rien de ce contre quoi le sujet se défend par cette agitation. Lorsque les explications fusent pour expliquer le retard scolaire, biologique, infériorité constitutive, carence du milieu éducatif et culturel ces explications sont plaquées de l’extérieur et elles excluent la position subjective de l’enfant lui-même. De l’inhibition à la  phobie scolaire la symptomatologie est large pour signifier un ça ne va pas, pour échapper à l’angoisse ou pire aux voix qui se déchaînent…

De quoi soufre celui qui ne peut pas apprendre ?

L’enfant qui n’arrive pas à apprendre, celui qui est considéré dès lors comme déficitaire de quoi souffre-t-il ? Devant quoi recule-t-il qu’il serait dangereux d’apprendre ? La déficience constatée n’est pas une structure mentale, elle s’inscrit dans la névrose et dans la psychose, mais ce à quoi le sujet est confronté dans l’une ou l’autre n’est pas du même ordre. Cette déficience est peut être de l’ordre d’un ne pas savoir y faire avec le savoir, et cela peut mener le sujet très loin, mais il est de toute première importance qu’un diagnostic précis soit posé.

Clinique

Ce jeune homme déroule sa vie, difficilement, il ne fait que répondre aux question sur ses difficultés à l’école comme à l’apprentissage. Placé dès sa naissance dans une famille d’accueil il retourne dans sa famille vers huit ans. Que sait-il de cela ? Peu de choses, son père boit, il ne peut en dire rien d’autre, cette explication lui sert à tout expliquer. Ce jeune homme ne présente pas de troubles du langage, seulement une difficulté d’élocution, qui le rend difficile à comprendre. La question qui s’est posée alors est celle de la structure psychique. Ce symptôme s’inscrivait-il dans une structure névrotique, auquel cas, le travail institutionnel aurait pu viser à essayer de déloger ce jeune homme de cette place, pour qu’il puisse au moins s’inscrire dans un apprentissage professionnel. Ou s’inscrivait-il dans une structure psychotique auquel cas, ce retrait du savoir répondait au traitement d’un insupportable auquel il ne faudrait pas toucher sous peine d’une décompensation importante ? L’échec scolaire n’a pas le même sens suivant les sujets et alors le diagnostique de structure est fondamental. D’autre part, le chiffrage ici d’un niveau d’intelligence est sans intérêt.

Le soin

Quel que soit le niveau intellectuel chiffré, bas ou élévé, les difficultés scolaires des enfants sont le signe que quelque chose ne va pas dans leur vie. Il est important de ne pas passer à côté de cette soufrance qui nécessite, au milieu d’autres prises en charge, une écoute, qui si elle ne résoud pas à elle seule les difficultés scolaires  permet aux enfants d’y faire face avec moins de souffrance.